ivy league style
Réflexions

A l’origine : « Pourquoi choisir le style classique ? »

Pourquoi je me suis dirigé instinctivement vers le style classique ? J’ai toujours cherché à ressembler à mon grand-père, cet homme élégant…

Vendredi dernier, j’ai passé un long moment à discuter au téléphone avec un très bon ami à moi (qui se reconnaitra surement en lisant ces mots). Ce n’est pas le confinement qui nous oblige à échanger par téléphone, mais simplement la distance. Nous avons fait notre premier cycle d’études supérieures ensemble (dans le secteur bancaire), et aujourd’hui, nous vivons éloignés mais avons toujours gardé (un excellent) contact.

Bref, actuellement, nous sommes tous les deux dans une réflexion et une démarche active sur notre garde-robe, sur la constitution ou la refonte d’une base solide. Il m’a sollicité pour qu’on en discute, sachant mon enthousiasme et ma passion pour le sujet. Et vendredi, nous avons fait un petit point sur nos avancées.

Le concernant, travaillant actuellement dans le secteur de l’IT (informatique et technologies), le costume, non pas prohibé, n’est pas vraiment d’usage. Il n’en reste pas moins que sans porter un costume, la question de l’élégance demeure, et quelle serait la solution pour avoir une allure élégante et habillée sans la formalité et l’austérité que peut représenter le costume dans cet environnement de travail. J’ai tout de suite pensé au style « Ivy League » qui l’a enthousiasmé.

Ivy league
Style Ivy League (source photo : www.ivy-style.com)

Dans notre discussion, un point important m’a néanmoins vraiment mis en situation d’inconfort. Sans remettre en question mon attrait pour la bienfacture des beaux vêtements, il m’a demandé à plusieurs reprises : « Pourquoi faire ce choix de style vestimentaire [ndlr : c’est-à-dire le style classique] plutôt qu’un style plus contemporain qui va suivre la tendance ».

Finalement, c’est une question assez simple à laquelle je vais certainement être confronté de nombreuses fois, et je pense qu’à chercher une réponse trop codifiée, et rigide, je n’ai pas su poser les mots justes et ma réponse manquait totalement de la passion qui m’anime normalement sur le sujet. J’ai répondu : « Parce que les hommes se sont toujours habillés comme ça, et parce que c’est ainsi qu’ils sont le plus élégant. Parce que le style classique ne suit pas de mode et est intemporel ».

Je peux le dire, et je n’ai aucune honte à ça : ma réponse manquait sensiblement de nuances et manquait d’âme. C’est un peu un des écueils que l’on rencontre lorsqu’on cherche à avoir une réponse trop rigide. Je ferai attention à ne pas reproduire cette erreur à l’avenir. Et mon ami, avec le tact qui le caractérise, a ouvert le débat sur cette question. C’est ce que j’adore chez lui : ma réponse ne lui convenait pas. Il en voulait plus. Et à juste titre, il me connait, et je pense qu’il savait ce qu’il voulait m’entendre lui dire et lui raconter, et c’est précisément ce que je vais vous confier plus bas dans cet article.

Pour faire mon propre contradicteur sur ma réponse plus haut : Les hommes ne se sont pas toujours habillés « comme ça », c’est-à-dire dans le style qui respecte les codes vestimentaires qui sont aujourd’hui notre référentiel. Et tous les hommes ne s’habillaient pas non plus selon ce style classique, car l’élégance masculine a longtemps (encore aujourd’hui) été associée à un certain statut social.

C’est à partir de la fin du 18ème siècle que le style vestimentaire classique que nous connaissons tire ses origines. Et c’est l’Angleterre qui influence la « mode masculine » de l’époque, dont George Brummell, également connu sous le nom de « Beau Brummell », sera la figure de proue. Ce dernier qui se « radicalisera » au Dandysme.

Beau Brummell, père du dandysme
Beau Brummell à Londres (illustration : Mary Evans Picture Library)

L’art du débat et l’humilité qui pousse à être capable de remettre en question le résultat d’une réflexion, c’est précisément ce qui permet de revenir sur sa réflexion et chercher « ce à côté de quoi l’on est passé ». En l’occurence, c’est une réalité dérangeante qui est celle du clivage social intimement lié à la notion d’élégance vestimentaire, que j’ai voulu omettre dans ma propre vision de la question.

Nous n’en sommes pas restés là, nous avons poursuivi notre discussion et de nombreux éléments m’ont aidé à construire ma pensée d’aujourd’hui sur le sujet.

Pourquoi le style classique ? ma réponse

Finalement, je vais répondre aujourd’hui à la question « Pourquoi faire le choix du style classique au lieu d’un style qui suit la tendance » ?

Il faut donc commencer par définir ce qu’on appelle le style classique, et par opposition, ce qu’on appelle un style qui suit la tendance, ou la mode. Pour éviter d’entrer dans de très longues explications, on peut les définir en les opposants.

Du statut socio-professionnel

Il faut démarrer notre réflexion d’un angle social, qui, comme je l’évoque plus haut,  est une question qui peut être dérangeante, mais que l’on ne peut omettre. Le style classique ne correspond pas à tout le monde ni à tous les environnements. Typiquement, ce serait insensé de porter un costume 3 pièces en tant qu’ouvrier sur un chantier. La fonction justifie la tenue (ou l’équipement).

Le style classique se rapporte avant tout à un style vestimentaire utilisé dans une situation professionnelle ou dans un environnement social le permettant. C’est un fait, et c’est pour cette raison que la situation professionnelle et le rang social sont des éléments clivants de notre société et l’ont toujours été.

Est-ce donc une envie ou un besoin d’atteindre un certain rang social qui m’a attiré ? Sincèrement, je ne le pense pas. Mais je garde en tête que cet aspect social peut être une raison d’être attiré par ce style. En effet, bien que « l’habit ne fasse pas le moine », la tenue vestimentaire est une des composantes fondamentales de la communication non-verbale et peut être, dans certains cas, un ascenseur social.

De la mode et du temps

Ensuite, le style classique est un style vestimentaire dont la temporalité est plus élevée qu’un style « tendance ». Bien entendu, le style classique est un style vestimentaire par essence, et il est donc soumis aux mêmes règles que n’importe quel style vestimentaire : il évolue au gré des modes.

Malgré tout, le style classique a ce que je vais appeler un « coefficient de résistance » à la mode supérieur à un style qui suit la tendance. Il m’arrive de porter un costume ayant appartenu à mon grand-père, que j’ai fais ajuster à ma taille ; ce costume doit avoir au moins 50 ans. Je ne parais absolument pas décalé en le portant. Et pourtant, de nombreux détails dans ce costume en font un costume qui était totalement dans son époque il y a 50 ans (la taille des revers, la hauteur des crans, leur forme, les poches, la hauteur de la fente dans le dos, etc.). Aujourd’hui, 50 ans plus tard, je porte fièrement ce costume sans « dénoter » plus que ça.

Style années 70
Style 1970's (source : www.thetrendspotter.net)

Si l’on regarde la mode d’il y a 50 ans. En 1970, la mode était aux pantalons pattes d’éléphant et chemises aux motifs fluorescents.

La mode a par essence une volonté de casser les codes pour marquer. Au fond, j’aime peut-être les codes parce qu’ils sont rassurants. Ils sont stables et peu changeant.

Donc, tout en ayant conscience que le style classique évolue et n’est plus le même qu’il y a 50 ans, il est fort à parier que dans 50 ans, ses évolutions ne le révolutionnent pas au point de faire d’une tenue d’aujourd’hui une tenue totalement loufoque.

Style classique : aller jusqu'à l'éco-responsabilité

Pour poursuivre dans le registre de la temporalité, notre société fonctionne sur un rythme qui tend à croitre de façon exponentielle. Une mode qui durait plusieurs saisons il y a 50 ans, dure parfois moins d’une saison aujourd’hui !

D’un point de vue éco-responsable, se projeter sur le long terme en misant sur des produits faits pour durer dans le temps (c’est-à-dire dans une démarche de développement durable, avec une consommation de produits robustes et bien construits), le choix d’un style vestimentaire classique serait le plus raisonnable finalement.

C’est également plus eco-friendly d’acheter un costume pour 20 ans, qu’un costume tous les 2 ans pendant 20 ans. Cette vision est totalement d’actualité et m’encourage d’autant à promouvoir ce style.

De l’esthétique personnelle et de l’origine de tout

D’un point de vue esthétique, l’image d’un homme en costume, ou simplement portant un pantalon, une chemise, une cravate, une veste, reste pour moi la plus belle des visions. Tout l’attrait que j’ai pour ces beaux habits, pour les cravates, et pour l’élégance masculine en général, je le tire de mon grand-père.

C’est finalement ce point qui est le plus important dans ma réponse, et c’est LA raison pour laquelle, moi, j’ai choisi ce style vestimentaire.

Mon grand-père est un homme dont le terme lui correspondant le mieux pour le décrire est « l’élégance ». D’aussi loin que je me souvienne, je l’ai toujours vu bien habillé, propre sur lui, chaussé, et cravaté. Même à la maison. Mes grands-parents sont très importants pour moi. Ils représentent à eux deux des modèles à mes yeux, un idéal à atteindre. Forcément, quand on a des modèles dans sa vie, on cherche à leur ressembler. Je sais bien que je suis différent de mon grand-père, et que je ne lui ressemblerai jamais car nous vivons dans des époques différentes et que mon quotidien n’est pas le même que son quotidien à mon âge.

J’ai tout de même toujours eu en tête de tout faire pour ressembler à mon grand-père : devenir un homme bon, un homme bien et un homme élégant.

La vision que j’ai toujours eu de mon grand-père et qui m’a conditionnée très tôt à aimer les cravates, est tout simplement la vision d’un grand-père toujours cravaté. Même à la maison comme je disais plus haut. C’était un rituel pour lui, la cravate. Ma grand-mère aime souvent nous raconter qu’au pot de départ à la retraite de mon grand-père, un de leurs bons amis et ancien collègue a pris la parole, et, saluant l’élégance constante et perpétuelle de mon grand-père, a avoué ne l’avoir jamais vu une seule fois sans cravate de toute sa carrière !

cravate médaillon col cutaway
Une magnifique cravate à médaillons que portait mon grand-père, et que je porte désormais fièrement

Tout petit donc, je m’imprégnais de cette belle image d’un grand-père toujours élégant. J’en ai pris le goût de « bien m’habiller ». Très tôt. Dans mon entourage, on m’a très vite collé l’étiquette de « celui qui s’y connait en costume », alors qu’en toute sincérité : je n’y connaissais absolument rien. Jusqu’à très récemment, peu m’importait finalement que le costume soit en laine ou en polyester, ou que les modes passent trop vite. Ce qui a toujours dirigé mes choix vestimentaires, c’étaient tous les petits efforts purement esthétiques mis bout à bout pour ressembler au plus proche de l’image que j’avais en tête. Celle de mon grand-père.

La réponse à la question initiale est finalement celle du cœur et de l’histoire de chacun. Avant tout le reste. Ensuite, et j’y viens juste en dessous, il y a tous les détails techniques qui font que le style classique est passionnant, et que chaque détail justifie à lui seul de choisir ce style vestimentaire.

Du souci du détail et de l’apprentissage

J’ai ce trait de caractère qu’on appelle la curiosité. Et l’enthousiasme. Je m’intéresse à énormément de choses, et par conséquent énormément de choses m’enthousiasment. C’est ainsi qu’il y a quelques années je me suis passionné pour l’horlogerie au point de devenir horloger.  

Et l’horlogerie m’a beaucoup apporté. De la patience. De l’humilité. De la précision. De l’observation.

Ces 4 valeurs représentent les piliers de toute démarche que j’entreprends désormais. Dès lors que quelque chose attise ma curiosité, je prends le temps d’observer avec précision le moindre détail, je réfléchis les alternatives et j’apprends pour pouvoir comprendre.

style classique horloger
Instagram : Sartorialwatchmaker

En me lançant dans une carrière d’horloger en boutique, j’avais la double casquette du contact avec la clientèle et la technique de l’horloger en atelier. D’une pierre deux coups, je pouvais pratiquer mon métier en justifiant une tenue élégante au quotidien. Il me fallait d’abord le strict nécessaire, rapidement. Quelques pantalons, quelques chemises, j’avais le reste. Mais j’ai vite compris aux premières coutures qui se défont, aux boutons qui sautent, aux cols qui gondolent, que quelque chose n’allait pas.

Alors j’ai appris, j’ai lu, j’ai observé, et j’ai compris. J’ai compris qu’il fallait devoir encore plus apprendre, encore plus lire, encore plus observer, pour pouvoir encore mieux comprendre. Et quand on développe cette approche du style classique masculin, ça s’appelle le sartorialisme. L’amour de l’art tailleur, de ses règles, de ses codes, de son histoire.

De la ressemblance à la différence

Au final, mon vœu le plus cher a toujours été de ressembler à mon grand-père, à cet homme élégant. Mon parcours sartorial m’a amené à m’intéresser en profondeur à cet univers et à entrer dans le détail d’à peu près tous les éléments constituant le vestiaire de l’homme, des chaussures au chapeau, du parapluie à la paire de gants, jusqu’aux sous-vêtements. Je me demande aujourd’hui s’il est allé aussi loin que moi dans cette démarche et dans les recherches qu’elle implique. C’est une discussion que j’espère avoir avec lui la prochaine fois que nous nous verrons. Je lui ferai lire mon à propos et je lui demanderai son avis.

D’un point de vue purement vestimentaire, j’ai l’impression qu’en cherchant à lui ressembler, aujourd’hui je m’en éloigne. Ça ne me rend pas triste, je pense simplement suivre mon propre chemin désormais, car j’ai découvert qu’en style classique, il existe une multitude de styles différents. Et mon grand-père restera toujours à l’origine de toute cette aventure.

Mon grand-père, ce maitre de la Sprezzatura.

Merci de m’avoir lu.

Romain

Auteur du blog "Elégance & Précision", Horloger sartorialiste et calcéophile, je partagerai avec vous tout ce que je trouverai sur les sujets qui nous intéressent : l'élégance masculine.

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