Revenga
La chemise,  Le dressing

Revenga : Fitting de ma chemise sur-mesure à Genève – Partie 2

Oui, j’ai failli à mon objectif de vous rendre compte de mon premier fitting (essayage) de chemise sur-mesure chez Revenga, aventure qui a démarré en 2021 lorsque je rencontrais pour la première fois Josefa, la dernière chemisière de Genève. 

Elégance et Précision est de retour!

Les aventures horlogères, les rencontres, les retournements de situation et un joli changement de carrière, tout a repoussé encore et toujours la publication de cet article qui pourtant a été écrit, réécrit et recommencé à de nombreuses reprises ! Mais aujourd’hui, je vous livre ce que vous attendiez : Mon premier fitting et les nombreuses informations techniques liées à la confection d’une chemise en grande-mesure. Pour rappel, lorsque l’on parle de grande-mesure, aussi appelé « Bespoke » en anglais, il ne s’agit pas de la taille du vêtement, mais plutôt de la grandeur de la technique, autrement dit, l’aspect traditionnel, artisanal, et le véritable savoir-faire autour du « fait-main ».

Nous sommes en Juin 2021 et je retrouve Philippe (@Philippe.tk sur Instagram) chez Revenga, qui, comme lors de ma rencontre avec Josefa, m’avait gentiment accompagné et s’était occupé de prendre pas mal de photos !! D’ailleurs, toutes les photos ou presque de cet article sont de lui! 

Revenga Josefa et moi
Chez Revenga
Masqué, cela nous rappelle la triste période Covid

Lors de ma première visite, nous avions procédé à la prise de mesures, et c’était Julio son fils, dont je suis heureux aujourd’hui de le compter comme un ami proche, qui s’en était chargé. Une affaire de famille ! Tour de poitrine, tour de taille, largeur d’épaule, longueur des bras, tour de cou pour ne citer que les mesures les plus classiques. Ensuite, il y a l’œil de la couturière qui à partir de ces mesures interprète déjà dans son esprit les courbes (généreuses) qu’il faudra couvrir de ce tissu Alumo SupraLuxe bleu ciel que j’avais choisi.

Aujourd’hui, disons le jour de ma visite pour ce 1er fitting, j’allais porter pour la première fois ce qui deviendrait ma première chemise bespoke. Quelques morceaux de tissu assemblés, sans col ni poignet. Sensation assez étrange, mais amusante. 

Le tout premier essayage

Tout d’abord, j’enfile le tout, je me regarde dans le miroir, et Josefa se met au travail tout en m’expliquant ce qu’elle fait. A ce stade du projet, c’est extrêmement flou de s’imaginer le résultat final, même pour moi qui ose dire que « je m’y connais un peu » en vêtements. Ici, l’expérience est nouvelle, et même unique

Je crois qu’il est bon de rappeler à quel point Josefa est une chance pour celui ou celle qui veut expérimenter le vrai sur-mesure, ou comme je le disais plus haut, la « grande mesure ». Il existe encore des chemiseries de luxe qui vous prennent les mesures, avec une personne qui viendra poser les épingles, tirer par ci, repousser par là. Mais dans la majorité des cas, une fois les altérations constatées et épinglées, le travail est confié à quelqu’un d’autre. A celles que l’on appelle des « petites mains ». 

Josefa est un trésor pour les amoureux du bel artisanat

Ici, vous avez affaire avec la personne qui prend la mesure, qui a l’œil et la vision, qui va dessiner son patron, qui va découper le tissus, qui va le poser sur votre dos, qui va poser ses épingles et qui va retoucher derrière ce qu’il faut reprendre. C’est suffisamment rare pour être souligné : Josefa est un trésor pour les amoureux du bel artisanat, et pour qui lira cet article aura la chance d’en prendre conscience et peut être se décidera à vivre une expérience qu’on ne vit plus beaucoup dans nos contrées.

La construction de l'épaule

Bien, revenons à notre essayage. Josefa s’applique à mon épaule. Je l’interroge sur la raison pour laquelle elle remonte la couture sur celle-ci.

  « Et bien, on voit souvent sur les chemises les coutures tomber sur la manche. D’un point de vue de la construction, ça limite les problèmes au niveau de l’emmanchure, d’autant que la personne qui portera la chemise ne se rendra pas compte de ce détail qui est une mauvaise façon de construire une épaule, ou plutôt, une solution de facilité. Au niveau du confort, on a de la place et ça convient à tout le monde. 

Ce que j’ai fait ici, c’est que j’ai remonté la couture sur la tête d’épaule pour respecter la forme de l’épaule, et la précision de la construction. On aura une emmanchure qui sera mieux ajustée avec la plaque, et l’encolure sera d’autant impactée. Ça ne déformera pas dans le mouvement. Au final, c’est aussi plus confortable. Tu vois, j’aurais pu te laisser l’épaule comme ça, tu n’aurais rien remarqué, on parle de quelques millimètres et je me complique la tâche, mais c’est ça mon travail, j’essaie toujours de faire mon maximum ». 

Fitting revenga

Satisfait par cette explication et cette démonstration de passion et de patience, j’admettais qu’en enfilant la chemise, je trouvais déjà l’emmanchure fantastique. Comme quoi, encore une fois, l’œil de l’artisan vaut mille théories. « Tu sais, parfois j’ai des clients compliqués, et ce sont eux qui exigent des choses à 2 ou 3 millimètres. Mais j’ai la patience et l’amour du détail. Tant que j’ai ça, tout va bien. J’espère juste qu’après moi, cette attention du détail ne se perdra pas. »

L'emmanchure

Puisque nous sommes à l’épaule et que nous parlions d’emmanchure, je note que la couture n’est pas décalée. Sachant combien certains sartorialistes portent une attention particulière à ce détail dont je ne maitrisais pas les tenants et aboutissants, j’en profite pour interroger Josefa.

« En effet, on trouve des coutures de manche décalées, souvent sur les manteaux et les vestes, ou les chemises pour femmes. La raison vient principalement du fait que l’avant du vêtement est plus grand que l’arrière. Pour les manteaux et les vestes, cela s’entend pour tout le monde. Pour une chemise, on ressent surtout une nécessité pour les femmes qui ont une poitrine. Cela accompagne en effet la position du bras liée à la construction particulière d’une chemise pour dame ».

Mais et moi du coup ? Intérêt de le faire ou pas ? « Pas de souci, je peux le faire. D’après les mesures, un léger décalage pourra apporter de l’aisance ». Ce à quoi Philippe propose une idée qui sera farfelue pour certains, de l’ordre du génie pour moi :

« Et si tu décalais la manche droite uniquement, comme Romain est droitier, et que tu laissais l'emmanchure gauche normale ? »

Evidemment, c’est dit sur le ton de l’humour, même si au fond de moi, je trouvais l’idée suffisamment barrée pour avoir envie de tester ! Nous resterons donc sur un décalage d’emmanchure auquel Josefa procèdera lorsqu’elle reprendra l’épaule.

Les poignets

fitting chemise revenga
fitting chemise revenga
Fitting revenga poignet
fitting chemise revenga

Nous posons ensuite les poignets préparés par Josefa, et revenons ensuite à son bureau pour discuter à la fois des poignets mais aussi du col. J’en profite pour vous rappeler que j’avais demandé une construction traditionnelle sans toile thermocollante, bien qu’actuellement les toiles thermocollantes sont d’excellente qualité et permettent un magnifique maintien du col. Il n’en reste pas moins que dans ma démarche de découverte et d’aventure dans l’univers traditionnel, je demandais à Josefa cette excentricité (et surcroit de travail) de faire un entoilage traditionnel. Encore une fois, Josefa est une chance ! Elle accepte et m’explique les techniques anciennes. 

Lors de son dernier séjour à Saint-Gall, ville historiquement réputée pour ses broderies, dentelles et son industrie textile par extension, Josefa repère quelques derniers rouleaux de toile non collante, vestiges d’une époque où l’on faisait des entoilages traditionnels. Elle achète ces survivants d’un autre monde, et grâce à ça, mon col traditionnel est monté.

Revenga col chemise

S’ensuit une véritable leçon de couture dont je m’en veux de ne comprendre que la moitié. J’ai tout enregistré au dictaphone, mais malgré tout, c’est assez complexe à comprendre. Ce que je retiens, c’est son savoir-faire et ses techniques héritées d’anciens faiseurs pour faire les renforts de col à l’ancienne, pour donner l’arrondi idéal qui épousera les courbes du porteur, pour donner la rigidité nécessaire, au bon endroit, pour que le col casse bien et se maintienne en place. 

revenga col de chemise

L'entoilage traditionnel, une histoire de triplure

Pour expliquer tout de même la particularité d’un entoilage traditionnel à la différence d’un entoilage thermocollant : Lorsque l’on construit un col ou un poignet de manche, une pièce de tissu ne suffit pas. On va le doubler et ainsi avoir l’extérieur et l’intérieur du col ou du poignet. Malgré ces deux couches de tissu, on peut considérer que la pièce n’est pas suffisamment rigide. C’est la raison pour laquelle à l’intérieur, ou entre les deux couches, on va mettre cette fameuse toile qui sera plus ou moins rigide. Aujourd’hui, on utilise une toile thermocollante, qui va donc coller et rigidifier le col ou le poignet. Dans mon cas, j’ai souhaité une toile non collée, donc si l’on joue avec les couches de tissu, on peut sentir la toile à l’intérieur.

Dans la construction d’un col ou d’un poignet, s’agissant d’un troisième élément, on appelle aussi cette toile la triplure. Lorsque l’on monte le tout, Josefa insiste sur un point : 

« J’ai un vieux fer à repasser dans l’atelier que je laisse allumé toute la journée, comme ça je peux m’en servir à tout moment. Notamment quand je monte des cols ou des poignets et d’autant plus quand je fais un montage traditionnel non collé. Je m’assure vraiment que la toile soit parfaitement repassée, et je repasse plusieurs fois le tout pendant le montage pour être sûre qu’il n’y a pas de petits plis et pour éviter que les coutures ne tournent, parce que sinon, avec le temps, on peut même voir les petits plis de la triplure sous le tissu du poignet ou du col par exemple ».

Chez les sartorialistes snobinards, c'est même un détail qui est recherché...

Et oui, certains d’entre vous ont déjà entendu parler de ces petits plis de tissu, à ne pas confondre avec les plis causés par des toiles thermocollées de mauvaise qualité qui plissent à la première machine… Non ici je parle de ces petits plis dû au fait que la toile est un tissu différent de la chemise donc va travailler différemment dans le temps. Chez les sartorialistes snobinards (je le dis autant sur le ton de la rigolade que de la moquerie), c’est même un détail qui est recherché : montrer ces petites imperfections qui révèle le caractère traditionnel du montage du col (pour frimer). Et oui, on a tous nos névroses (et j’ai les miennes).

Revenga chemise fitting

Encore une fois, Josefa me régale de tous ces détails, et d’ailleurs, je l’interroge aussi sur les pinces que j’ai dans le tissu. Elle laisse volontairement 4 cm de tissu dans chaque pince (ce qui correspond à 2 tailles de plus !!) au cas où il faudrait agrandir la chemise un jour. C’est dire l’estimation de la durée de vie d’une chemise en grande mesure, on est loin de l’obsolescence programmée des prêt-à-porter en tissu qui se déchirent si on les regarde de trop près.

En plus de quoi, Josefa immobilise de la matière, du tissu, dans mon dossier. Pourquoi ? Si dans 4 ans je veux refaire mon col ou mes poignets, comme ça on est sûr d’avoir le même tissu dispo. Et elle garde assez de tissu pour refaire cette opération quelques fois… On a plus qu’une chemisière professionnelle et consciencieuse, on a une vraie maman poule.

La grande-mesure : un dossier à vie !

Revenga dossier
Revenga patron

En parlant de dossier, je suis content de voir le mien, et de découvrir les patrons qui correspondent à ma morphologie. Elle m’explique les détails, et me sort même ses croquis originaux, ceux qu’elle a elle-même dessinés lorsqu’elle a terminé ses études de modeliste. Après avoir travaillé des années comme couturière et chemisière, Josefa avait repris des études de modelisme. 

Ce que ça lui a apporté ? De revoir les lignes, de revoir les coutures, moins droites, plus de courbes, plus de précision dans la compréhension des lignes du corps. Et le résultat ? Des dessins, des modèles, des croquis qu’elle a conçus et dont elle se sert pour créer chaque patron unique au quotidien.

revenga croquis chemise

Josefa me révèle d’autres croquis de chemises avec les devants. Elle m’explique où se positionne la boutonnière sur l’un, où elle choisit de mettre le bouton sur l’autre. Elle me montre aussi ses choix, issus de son expérience, et tout ça me fascine.

Revenga fitting

Le mot de la fin

On conclut avec un petit cours sur une chemise portée sur un mannequin, avec un focus sur le col encore une fois. La position du pied de col, déterminante pour éviter que le boutonnage ne tire le tissu, les différentes tailles de col, et la finesse des coutures. Pour ma chemise, 8 points par cm. Très proches du bord, c’est d’un raffinement, et ça me comble. 

Le rendez-vous se termine, et Julio nous a rejoint.

Nous remercions chaleureusement la mama, qui va passer maintenant quelques heures sur ma chemise pour retoucher ça et là les choses qu’elle a notées, tout en retouchant le patron. Elle procèdera ensuite au montage final et ajoutera toutes les finitions luxueuses pour sublimer son travail. 

La journée ne fait que commencer, nous rejoignons Loïc (@bienluienapris sur Instagram) pour un petit lunch en terrasse, et Philippe m’accompagnera gentiment tout l’après-midi pour des essayages de chapeaux puis une visite chez les copains de chez Breitling pour des essayages de nouveautés autour d’une coupe de champagne ou d’une bière bien fraiche.

Revenga col

Merci de m’avoir lu.

Revenga Josefa

Revenga Chemisiers Genevois

Rue de Saint-Victor 4

1206 Genève (Suisse)

Site Internet : https://www.revenga-geneve.com

Email : info@revenga-geneve.com

Téléphone : +41(0)22.547.58.83

Instagram : @revenga.geneve

Et maintenant, petit reportage photo de la seconde partie de la journée !
Visite a geneve
Visite a geneve
Visite a geneve
Visite a geneve
Bienluienapris
Visite a geneve
Visite a geneve
Visite a geneve
Breitling geneve
Breitling geneve
Breitling geneve
Breitling geneve
Breitling geneve
Breitling geneve

Un mot spécial de remerciement pour Philippe qui m’a fait découvrir Revenga et m’a fait rencontrer Josefa et Julio ; Philippe qui m’a accompagné dans cette aventure avec ses blagues vivaces et piquantes ! Et qui nous régale toujours de ses photos d’instants volées, comme cette dernière photo sur laquelle notre ami Vincent dévore du regard notre ami commun Axel, un regard d’amitié qui nous manque autant que lui…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *